Écarter d’emblée la question du caractère incitatif des films violents…
… non qu’elle soit dénuée d’intérêt (s’il est avéré que Scream fabrique des serial killers, des mesures radicales s’imposent), mais parce qu’elle voue à la spéculation arbitraire. Même les psychologues peinent à dégager, en la matière, des énoncés clairs. C’est qu’on touche à de sacrées choses, le coefficient ontologique de l’image, la libido scopique, la barbarie (originelle ou pas). Le petit lambda, treize ans, a peut-être tué dix de ses condisciples dans la continuité de sa passion pour Seven, mais peut-être aimait-il le film en tant qu’il révélait / flattait / illustrait des pulsions préexistantes.
Par quelle corne, donc, prendre le taureau qui, effrayant les parents, s’abat sur le cinéma mondial et américain en particulier, avec une fureur exponentielle depuis une vingtaine d’années ? Par quel bout prendre le problème sans tomber dans la pudibonderie, sans rogner sur la sulfureuse conviction que l’art n’a pas de comptes à rendre à la morale ?
En partant de là, justement, de cette souveraine indifférence à l’intérêt public immédiat ! Mais pour aussitôt nuancer : l’art doit certes se projeter par-delà le bien et le mal édictés par son époque (il est par définition d’avant-garde), mais n’est recevable que si dépositaire d’une morale intrinsèque, si tenu par un cahier des charges tacite et valable pour son seul champ. (…)