La question de la violence est au centre des préoccupations de l’écologie politique. Tout d’abord en raison du lien évident entre violence et nature. C’est bien souvent face à la brutalité des logiques économiques, industrielles et technocratiques et de leurs effets destructeurs sur les personnes et l’environnement que se forment des vocations militantes, des révoltes civiques, des indignations morales : combien d’accidents pétroliers, chimiques, climatiques, industriels révèlent à chaque fois la violence impersonnelle de ces logiques routinisées « d’externalisation » des risques sur autrui ? Le propos de l’écologie est alors de montrer en quoi nous vivons dans un monde sans plus « d’extérieur » à exploiter ou à détruire impunément, c’est-à-dire dans un monde totalement intriqué qui rend solidaires tous les membres de ce monde commun, qu’ils le veuillent ou non.
À partir de là, l’écologie devient politique : il ne s’agit plus de protéger la « nature » de l’activité des hommes (au nom de raisons naturaliste et scientiste tout aussi brutale et technocratique), mais de redéfinir démocratiquement les termes de cette solidarité de fait afin que les risques et les incertitudes soient mieux définis et mieux partagés. Autrement dit, l’écologie politique n’oppose pas un monde (celui de la « nature ») à un autre (celui du profit et des techniques), elle oppose une pensée des relations à une pensée de la séparation. C’est pourquoi, au delà des questions des violences faites à la « nature » (c’est-à-dire à l’environnement), l’écologie politique se préoccupe de la violence des opérations de naturalisation des conduites, des catégories et des situations. En traçant des frontières entre le normal et le pathologique, le barbare et le civilisé, la raison et l’émotion, les intérêts et les valeurs, cette naturalisation extrait les êtres et les conduites du système de relations qui les a coproduits, les extrait du monde de la politique, des conflits, des médiations et des compromis. (…)