Les écoquartiers de Fribourg :
comparaison des dynamiques ascendantes et descendantes
Evelyne Damm Jimenez
Nous sommes partis, petit groupe d’une douzaine d’élus municipaux de gauche des quatre coins de la France, à la découverte de Fribourg, ville « durable » d’Allemagne, à l’initiative d’une association créée par des élus de gauche et non-inscrits: « Formation et citoyenneté ». L’objectif du voyage était d’allier l’approche théorique, apportée par Philippe Bovet, fondateur de l’association des amis de l’Ecozac de Rungis et auteur des « Ecoquartiers en Europe », à la rencontre avec les habitants et fondateurs des écoquartiers de Fribourg. L’intérêt a été de pouvoir visiter deux « quartiers modèle » de Fribourg, le quartier Riesenfeld et le quartier Vauban, l’un ayant été construit à l’initiative de la ville, l’autre à l’initiative de militants écologistes, constitués en « baugruppe », ce qui nous a permis de comparer deux processus de conception, et deux modes de construction et de fonctionnement différents.
Bâle, pôle multimodal propre aux liaisons douces.
Dès le début du voyage en train, le groupe a été propulsé sur une autre planète avec la courte étape faite à la gare de Bâle, en Suisse. Pôle multimodal exceptionnel, assurant la liaison train-aéroport pour les voyageurs et leurs bagages enregistrés, avec un gigantesque garage à vélo pour répondre aux besoins de la population, puisque 50% des habitants de Bâle résident à moins de 10 minutes à vélo du centre ville. Les autres circulent de préférence en tramway, dont le seul inconvénient est d’imposer des rainures dans le sol qui peuvent coincer les roues des vélos. Chaque entrée de la gare comporte un parking à vélo gratuit, et une entreprise privée, SEVICE A.G., gère un garage à vélo souterrain composé de trois parties : un garage payant avec gardiennage et video-surveillance, une rangée de « cabines à vélo » ressemblant à des cabines de piscine pour y placer les vélos équipés de sacoches notamment, et un garage gratuit. Le garage à vélo est équipé de douches, de toilettes, de casiers à vêtements et de distributeurs de…chambres à air pour les crevaisons.
Dans les parkings à vélo publics on constate une grande diversité allant du vélo années trente de l’armée suisse, rustique, sans plateau à vitesse, avec freinage par rétropédalage, au vélo élégant, décoré de guirlandes de fleurs printanières pour fêter l’arrivée du printemps…Il existe aussi des vélos électriques (environ 12000 en Suisse) dont le prix d’achat le plus bas tourne autour de 1000 euros, et dont on peut recharger les batteries chez soi sur n’importe quelle prise électrique. La protection contre le vol est assurée par une plaque d’immatriculation à l’arrière des vélo, correspondant à la police d’assurance et donc à l’identité du propriétaire.
De nombreuses ressemblances existent entre Bâle et Fribourg: outre l’usage très répandu du vélo, et le nombre équivalent d’habitants (250.000), il y a aussi le système de chauffage urbain composé de huit petites centrales fonctionnant en co-génération chauffage/électricité exploitées en régie. Parmi les sources d’énergie, le brûlage du bois a été rendu possible par le regroupement de plusieurs industriels de la filière bois implantés dans un rayon de 50 km autour de la ville, qui ont acheté une machine pour transformer en sciure de bois les copeaux et ensuite les chauffer afin que la résine colle naturellement la sciure et produise des pellets. Certaines chaufferies utilisent des copeaux non transformés, mais le risque présenté par l’irrégularité des morceaux pèse sur le bon fonctionnement des machines les plus sophistiquées. Le méthane résultant du brûlage des déchets et le biogaz fournissent également de la chaleur.
Fribourg, ville solaire des économies d’énergie.
Lorsque nous sommes arrivés à Fribourg, le premier choc culturel était passé : nous étions prêts à nous extasier des travaux de réhabilitation/isolation des grandes tours datant des années soixante dix, alliant vitrage des balcons et pose de plaques photovoltaïques sur les parties aveugles de l’immeuble où fonctionnaient les ascenseurs. Un peu plus loin, nous nous sommes arrêtés devant une borne d’information sur la qualité de l’air. Puis arrivés dans l’hôtel Victoria, et nous avons remarqué dans l’entrée une plaque affichant la production d’énergie instantanée en kilo watt heure (kwh), la production cumulée depuis l’installation des plaques photovoltaïques, ainsi que l’équivalence en CO2 économisé (un kwh de courant économisant 738g de CO2 ). Nous avons rencontré le directeur de l’hôtel, qui nous a indiqué qu’il avait eu trois objectifs lorsqu’il avait racheté l’immeuble : le rénover en utilisant des matériaux régionaux, l’isoler afin de diminuer la consommation d’énergie avec des moyen technologiques sans que cela diminue le confort de la clientèle, et privilégier le recours aux énergies renouvelables pour l’électricité et le chauffage. Un bureau d’étude a aidé à la conception et à la planification de l’utilisation de ces nouvelles techniques. Les investissements initiaux ont été amortis en moins de quinze ans. Il reste encore certains travaux d’isolation à faire, pour mieux isoler la toiture notamment, avec la création d’un jardin.
Le directeur de l’hôtel nous a fièrement fait visiter ses installations : 86 plaques photovoltaïques sur le toit assurant 6% de la production d’électricité, le reste provenant d’une part détenue dans une société d’éolienne située à la périphérie de la ville ; 10 panneaux solaires produisant un tiers de l’énergie nécessaire au chauffage, le reste provenant de la chaufferie bois (110T de pellets/an, entre 150 et 200 euros/tonne, un camion de livraison de 15 tonnes chaque mois en hiver, soit sept par an) ; la ventilation des chambres assurée par des conduits de cheminées et la climatisation en été fonctionnant en double flux grâce au refroidissement résultant du pompage de la nappe phréatique. Le recours au pompage de la nappe phréatique permettant d’économiser 50% d’électricité.
Lorsque nous nous sommes ensuite promenés dans la ville avant d’arriver au lycée technique, nous avons pu observer maints panneaux solaires sur les maisons et des petits ruisseaux d’eau courante parcourant la ville et se rejoignant parfois pour former une petite chute…dont la vitesse était transformée en électricité par de petits moulins. Le réseau de tramway est particulièrement efficace, et seulement 29% des déplacements se font encore en voiture, soit une division par deux en 30 ans.
Depuis 2002, la ville de Fribourg est gérée par une majorité Grünen ( Verts) mais elle doit son classement en tête des villes écologiques à une histoire plus ancienne. En effet dans les années soixante dix la population s’est fortement mobilisée contre un projet de centrale nucléaire à Wyhl, à 20 km de Fribourg. Les écologistes ont soutenu les viticulteurs qui s’étaient les premiers opposés au projet. De vastes campagnes ont alors été menées pour développer les énergies renouvelables alternatives. Un projet global a été conçu incluant la formation des ouvriers, des techniciens, et des ingénieurs chargés de la construction des systèmes de chauffage. Lors de la construction d’un immeuble, la responsabilité est partagée pour moitié entre l’architecte et l’ingénieur, qui doit concevoir l’installation énergétique et veiller à la maîtrise d’ouvrage. Afin d’éviter les déperditions d’énergie, toutes les installations utilisent la co-génération, technique consistant à fabriquer de l’électricité et à utiliser la chaleur générée au cours de cette fabrication pour produire de l’eau chaude. Cette double production offre 70 à 80% de rendement, alors qu’une centrale classique n’en donne que 30%.
Le centre de rechehche pour l’énergie solaire: L’Institut Frauenhofer
Lorsque les pionniers des énergies renouvelables ont commencé à élaborer leurs projets, ils se sont dit qu’il ne suffisait pas de penser à la formation des corps de métiers, il fallait aussi que la recherche contribue à l’amélioration des techniques et des matériaux utilisés, et que des entreprises les réalisent : aujourd’hui près de 1500 entreprises de Fribourg travaillent dans le domaine du développement durable. Nous avons aussi eu l’occasion de visiter l’institut Frauenhofer fondé en 1981, dont l’activité va de la recherche fondamentale à la recherche appliquée dans le domaine de l’énergie solaire. Avec un budget de 52,4 millions d’euros autofinancé à 80%, l’institut fait travailler environ 830 personnes, et cet effectif est en constante augmentation. Les principales activités sont le photovoltaïque, l’efficacité énergétique des bâtiments, les techniques de rafraîchissement solaire, l’intégration aux façades, l’approvisionnement en énergie, et les techniques d’éclairage. L’institut dispose d’un centre de test des installations thermiques en condition d’utilisation réelle dont les résultats contribuent à l’élaboration et la normalisation. Enfin l’Institut a créé deux antennes aux Etats-Unis et à Singapour, afin de pouvoir développer une coopération technique qui dépasse les problèmes d’acceptation de la technologie européenne. Notre groupe a pu visiter les locaux, dont toute la conception repose sur la meilleure utilisation possible de l’énergie solaire, mais aussi des eaux de pluie (système d’infiltration d’eau dans le jardin) ou de la circulation de l’air (puits canadiens).
Le Quartier Rieselfeld, fruit d’une volonté municipale.
Une dame française très sympathique, devenue allemande par alliance, nous a fait visiter ce quartier qu’elle habite avec plaisir. Nous l’avons rencontrée sur la place centrale près du petit marché bio du samedi matin. Il y avait deux édifices importants sur cette place : une église oecuménique pour protestants et catholiques, assez laide, en béton, avec des parois mobiles pour aménager les espaces intérieurs, et une maison de quartier tout en verre, avenante avec des espaces de rencontre publics (cafeteria, salle de spectacle) et des salles occupées par des groupes d’habitants du quartier répartis par tranches horaires. Parce qu’il y a par exemple plusieurs groupes de jeunes, qui ne se mélangent pas, même s’ils sont dans la même tranche d’âge. Il n’y a qu’à l’occasion de manifestations comme des concerts, qu’ils arrivent à se mélanger.
L’Association de quartier: le KIOSK
Les questions du groupe sont allées spontanément vers la maison de quartier, le KIOSK, et son histoire nous a beaucoup intéressés : en effet le quartier a été un projet de développement urbain voulu par la municipalité dans un quartier éloigné du centre, situé au-delà même d’un quartier d’immeuble sociaux des années 70 assez problématique, sur une zone d’épandage des eaux usées, avec un milieu biotope assez exceptionnel. L’objectif était initialement de construire 50% de logements sociaux, 25% de propriétés privées et 25% de logements locatifs privés. En fin de compte, la répartition réelle a été très différente de l’objectif initial, avec 25% de logements sociaux, 70% de propriétés privées et seulement 5% de locatif privé. Les premiers immeubles construits ont été des immeubles sociaux de moindre hauteur que ceux des années 70, afin d’éviter les problèmes sociaux. Mais même avec 5 à 7 étages, les ascenseurs sont restés nécessaires, et les performances énergétiques ont été souvent aussi moins bonnes. Un professeur de psychologie faisant partie de la municipalité a eu l’idée de préparer l’arrivée des habitants des premiers logements sociaux par l’installation d’un travailleur social, dans une roulotte, en plein cœur du quartier. Afin de prévenir toute difficulté d’ordre social ou même les conflits de voisinage, sa mission était d’aider les familles à s’installer, à créer du lien entre elles, par exemple au travers de la garde d’enfants partagée. A ce travailleur social se sont progressivement joints des étudiants du professeur de psychologie, puis une religieuse, et dès qu’ils ont été sept, nombre requis en Allemagne pour créer une association, ils ont créé, en 1996, le KIOSK (Kontact-Informazionen-Organisierung- für Schauspielern und Kultur). Devenu association des citoyens du quartier, le KIOSK s’est doté de différents groupes de travail consacrés aux transports, à l’environnement, au chauffage et à la consommation d’énergie, aux jeunes, à la venue d’un marché bio le samedi matin. C’est à la demande insistante de l’association que les habitants ont finalement obtenu de la municipalité un budget pour créer une maison de quartier, qui a été construite en 2003, et a été baptisée…. le KIOSK. Aujourd’hui, 120 bénévoles de l’association de quartier animent le KIOSK, et trois personnes payées par la municipalité gèrent l’établissement.
Le lien espace/temps et intergénérationnel
Le plus étonnant dans la création de ce quartier a été la vision prospective de ses concepteurs, allant jusqu’à construire des équipements publics durables parce que modulaires et modulables dans le temps. Ainsi l’école a été construite avec l’idée qu’on pourrait y ajouter ou y retirer un étage, selon le nombre d’élèves susceptibles de la fréquenter. La salle de sport initialement placée au deuxième étage a été transformée en salle de classe et un gymnase semi hémisphérique a été construit dans le parc adjacent à l’école, recouvert de gazon afin de s’insérer harmonieusement dans l’environnement. Les enfants sont ravis : ils adorent grimper dessus et descendre en luge quand il y a de la neige en hiver! Car l’école, construite en arc de cercle, n’a pas de clôture : l’accès à la cour de l’école est libre à toute heure. Les enfants s’y rendent seuls, à pied ou à vélo, dès l’âge de six ans. L’après-midi, les associations sportives prennent le relais de la vie scolaire. Un immense stade, couvert de 1600m2 de panneaux photovoltaïques est ouvert à ces associations.
Le lien entre les générations a aussi fait l’objet d’une attention particulière de la municipalité qui a veillé à ce qu’une maison de retraite soit construite au cœur du quartier, non loin de l’école maternelle – Kindergarten- avec un café associatif en rez-de-chaussée, où de nombreux bénévoles retraités vendent d’excellents gâteaux, gaufres ou crêpes. Toutefois, il y a peu d’initiatives pour rapprocher les personnes âgées des enfants, et en général une fois les enfants élevés les habitants s’en vont du quartier. La moyenne d’âge du quartier est relativement basse, 30% ont moins de 18 ans, les ménages qui s’installent sont surtout attirés par la renommée du quartier et sa qualité de vie, mais ils n’ont pas de conscience écologiste particulière. C’est ainsi que le projet de promouvoir un îlot sans voiture a été abandonné, du fait qu’il n’y avait pas assez de personnes intéressées. Même si, à part les voies principales, il y a peu de sols goudronnés et que les trottoirs et places de parking sont grossièrement pavées de plaques disjointes, pour permettre le l’écoulement et le filtrage des eaux de pluie, la plupart des ménages ont une place de voiture devant chez eux.
Les eaux de pluie ruissèlent jusqu’à un petit étang où les enfants se retrouvent avec joie pour patouiller et barboter, et un petit ruisseau en fossé coule entre les jardins, et ses berges sont défrichées chaque année d’un seul côté afin de permettre à l’autre de se régénérer. Entre les blocs d’immeubles il y a peu de jardins privatifs, car lorsqu’une résidence est construite une partie du terrain est dédié à l’aménagement de jardins collectifs, et la co-propriété est chargée d’en payer l’entretien. L’ensemble du quartier bénéficie de la proximité d’une réserve naturelle de 200 hectares visible de tous mais totalement interdite aux visiteurs, et plus loin d’un parc animalier, accessible uniquement à vélo. Cette préservation environnementale vient d’un engagement de la municipalité pour que les constructions ne se développent pas trop aux dépends du milieu biotope exceptionnel du site d’épandage qui préexistait au quartier Rieselfeld.
Le quartier Vauban, poussé par l’énergie écologiste de ses habitants.
Toute autre a été la logique d’aménagement du quartier Vauban. Lorsqu’en 1992, trois ans après la chute du mur entre l’Est et l’Ouest, les troupes françaises d’occupation ont quitté l’Allemagne, l’ancienne caserne Vauban s’est trouvée désertée. Compte tenu de la pression foncière, la ville de Fribourg a préempté les terrains et a procédé a différents travaux de nettoyage, de destruction de bâtiments insalubres, et de dépollution des sols. Toutefois des jeunes, constitués en association, ont parallèlement commencé à squatter certains vieux bâtiments et à les réhabiliter de manière écologique pour en faire des résidences étudiantes. C’est l’origine du projet Suzy, qui a ensuite été reconnu par la municipalité comme un projet de réinsertion sociale et professionnelle.
Maison passive
Notre accompagnateur, Andreas, a été responsable du foyer étudiant, puis, consultant en énergies renouvelables, il s’est associé avec un ami architecte et quelques autres écologistes convaincus, pour se lancer dans la construction de la première « maison passive », c’est-à-dire un bâtiment très bien isolé et ventilé, construit de manière à ne consommer que très peu d’énergie, moins de 15kwh/m2, soit quatre fois moins que la limite de 55kwh/m2 fixée par la mairie de Fribourg aujourd’hui. Les surfaces vitrées très nombreuses sont en triple vitrage de haute qualité dont les propriétés isolantes sont pratiquement équivalentes à celles des murs extérieurs qui comportent une couche de 40 cm de matériaux isolants. Les escaliers et les couloirs sont à l’extérieur, ce qui permet d’éviter de chauffer les parties communes, et les toits sont végétalisés et couverts de plaques photovoltaïques. L’aération est à double flux, permettant à l’air sortant et l’air entrant de se croiser via une sorte de d’échangeur où les calories passent d’une masse d’air à l’autre sans pour autant se mélanger. L’électricité et le chauffage sont assurés par une chaudière à bois fonctionnant en co-génération, permettant d’utiliser la chaleur dégagée par la fabrication d’électricité pour produire de l’eau chaude.
Quartier sans voiture
Si le développement du quartier Vauban a été organisé autour d’un axe central de part et d’autre d’un tramway, comme pour le quartier Rieselfeld, la dynamique associative des « baugruppen »- groupes de personnes désireuses de concevoir ensemble la construction de leur immeuble- a permis d’aller beaucoup plus loin dans les choix écologiques : dès l’entrée du quartier, les voitures sont invitées à stationner dans un « solar garage » , bâtiment de trois étages avec, en sous-sol, le seul grand magasin du quartier, et, sur le toit, une immense installation photovoltaïque qui produit plus d’électricité que le bâtiment n’en consomme. A part un deuxième parking en plein air situé à l’autre bout du quartier, il y a très peu de places de stationnement. Une place minimale est laissée aux voitures, et la vitesse dans les allées entre les immeubles est limitée à 5km/h, avec une priorité aux piétons et aux cyclistes. La circulation y est de ce fait quasi nulle et les enfants y jouent en toute tranquillité.
Aujourd’hui, 70% des trajets des habitants du quartier Vauban se font en vélo, le reste par tram, par bus ou en voiture partagée. Avec 403 voitures/1000 habitants Fribourg était pourtant plutôt en avance par rapport aux autres villes allemandes dont la moyenne était de 600 voitures/1000 habitants. Mais le quartier Vauban a réussi à n’avoir que 119 voitures/1000 habitants.
La ville de Fribourg, propriétaire des terrains, a investi dans l’aménagement des réseaux (tramway, allées, eau, gaz, électricité) et dans les processus de concertation (20 000 euros par an), qui ont permis la définition d’un cahier des charges pour les futures constructions et l’entretien des espaces collectifs. Mais l’exercice de la démocratie participative a parfois été difficile. Ainsi la victoire des habitants sur la circulation automobile n’a pas été sans heurts avec la municipalité, qui a d’abord opposé aux principes de l’association « familles sans voiture » une loi obligeant la ville a prévoir des parkings en proportion du nombre d’habitants. Puis s’agissant de la place du marché, les habitants ne voulaient pas qu’elle soit construite en plein centre au bord du tramway, mais au contraire en retrait, côté est, dans un coin plus vert et plus tranquille, voisinant avec le seul restaurant végétarien largement fréquenté par les gens du quartier. Enfin pour l’autre lieu de convivialité qu’est la place du grand four à bois, les habitants en ont réclamé le financement de son aménagement au regard des économies réalisées par la municipalité du fait de l’absence de goudronnage des allées.
La forte mobilisation des habitants a permis à ce quartier d’être très en pointe pour tous les aménagements écologiques. De nombreux bâtiments sont équipés de récupérateurs d’eau de pluie qui alimentent différentes utilisations (machines à laver, sanitaires, arrosage…). Toutes les toilettes des écoles fonctionnent à l’eau de pluie. Certains immeubles sont aussi équipés de buanderies communes. Les eaux usées sont évacuées dans des fossés ouverts, végétalisés de plantes filtrantes qui servent aussi à délimiter les parcelles, réalisant une séparation en creux et non en relief comme les haies ou les clôtures. De petits ponts permettent aux piétons et aux vélos de franchir ces fossés. La rivière qui longe un côté du quartier a été classée réserve de biotope et les jardins qui la longent ont l’obligation de maintenir une continuité dans la flore. Tous les arbres qui étaient présents dans la caserne ont été sauvegardés, et les immeubles semblent avoir été construits autour d’eux. Les jardins ouverts les uns sur les autres assurent une continuité de verdure, complétés par de nombreux murs végétaux sur les façades. Les branchages coupés sont entassés sous forme de petites haies, participant ainsi à la constitution de composteurs collectifs.
Il a été intéressant de pouvoir comparer les deux écoquartiers de Fribourg, l’un fruit d’une volonté municipale, descendante, l’autre conçu par et pour ses habitants, d’abord étudiants en manque de logement, puis écologistes en recherche d’habitat durable, réussissant à imposer leur conception du mieux-vivre ensemble, avec une énergie ascendante, vis-à-vis de la municipalité.
Si la mixité sociale a été recherchée par la municipalité de Fribourg avec les constructions du quartier Rieselfeld, elle n’a pas pour autant réussi insuffler une vie de quartier, du fait de l’absence de réseaux de convivialité entre les propriétaires et les locataires. Par contre la cohérence de la démarche commune des diverses générations du quartier Vauban, explique l’homogénéïté du cadre de vie et l’exemplarité du site obtenu par des habitants solidaires et cohérents dans leurs négociations vis-à-vis des structures officielles.
Evelyne Damm Jimenez / Décembre 2011